
Le cercueil. Un mot qui résonne, qui gêne, qui intrigue. Objet de méfiance, symbole de finitude, il cristallise tout un pan de nos peurs et de nos croyances. Pourtant, ce n’est pas dans la vie qu’il s’impose, mais bien dans l’ombre, une fois le dernier souffle rendu. Ce coffre de bois fascine autant qu’il dérange, et rares sont ceux qui savent ce qui s’y joue une fois le couvercle scellé. Quelques initiés, professionnels du funéraire, en connaissent les coulisses, là où l’enterrement, l’exhumation ou la crémation ne relèvent plus du mystère.
Avant de rejoindre les catalogues ou de s’exposer dans les vitrines des agences, chaque cercueil passe par un parcours de fabrication rigoureux, loin du folklore. Derrière cet objet singulier, il y a tout un savoir-faire, une mécanique précise qui le façonne.
Revenir sur ce contenant unique, c’est ausculter l’ultime habit, celui que l’on ne choisit pas toujours mais qui, à coup sûr, nous accompagne au bout du compte.
À quoi sert un cercueil ?
La question paraît simple, presque naïve : pourquoi placer un corps dans un cercueil, alors que la décomposition fera tôt ou tard son œuvre et que, souvent, les restes rejoindront l’ossuaire ? Enfermer les défunts dans une boîte de bois, à quoi bon ?
La pratique ne date pas d’hier. Bien avant les agences funéraires modernes, les Égyptiens plaçaient déjà leurs morts dans des sarcophages imposants. Le terme « mettre en bière » nous rappelle d’ailleurs que le cercueil s’appelait autrefois « bière », une expression encore entendue dans les salons funéraires.
Enterrer nos morts dans des cercueils, c’est une tradition qui traverse les siècles. En France, la loi en a même fait une obligation : toute inhumation doit s’accompagner d’un cercueil, selon l’article L2223-19 du Code général des collectivités territoriales. Seuls les moines trappistes disposent encore du droit d’être déposés à même la terre.
Mais le cercueil n’a pas qu’une vocation hygiénique. Il matérialise la séparation. Cercueil ouvert : le défunt semble encore paisible, « comme s’il dormait », disent les familles. Cercueil fermé : la mort est actée, irréversible.
Comment sont fabriqués les cercueils ?
Du style « parisien » au « tombeau », du modèle américain au cercueil hermétique en zinc, du traditionnel en chêne à l’alternative en carton, il existe une étonnante diversité de formes et de finitions. Le choix ne manque pas, ni côté essence de bois, ni côté design.
En France, la première production européenne de cercueils en bois massif sort des usines OGF : deux sites, à Jussey en Haute-Saône et à Reyrieux dans l’Ain, assurent l’approvisionnement national. À eux deux : 250 salariés, près de 150 000 cercueils fabriqués chaque année.
La fabrication d’un cercueil en bois s’organise selon plusieurs étapes, chacune répondant à une logique précise :
Voici comment s’articule le processus de fabrication, du choix du bois à la touche finale :
- Le bois d’abord : le chêne reste une référence, mais l’acajou, le pin ou d’autres essences sont aussi utilisées. Les troncs débités en planches séjournent à l’air libre au moins quatre mois, pour s’imprégner du climat ambiant avant d’être séchés en atelier.
- L’atelier de découpe : ici, la menuiserie reprend ses droits. Les planches sont découpées, façonnées selon le modèle.
- L’assemblage : entre huit et quatorze pièces à monter, selon la complexité. Le choix du bois dépendra aussi de la destination : crémation ou inhumation.
- Le vernissage : le bois reçoit alors sa patine définitive, appliquée selon le rendu souhaité.
- La finition : poignées, crucifix, plaques, vis… Les accessoires dépendent eux aussi de l’usage prévu et du souhait des familles.
Cette chaîne de production donne naissance à une multitude de modèles, adaptés à toutes les situations et à toutes les attentes.
Quel est le coût d’un cercueil ?
Du bois massif au carton, le cercueil représente souvent le dernier hommage rendu à un proche. Les familles, dans leur chagrin, veulent parfois marquer le coup, chercher le plus beau, le plus solide. Comme pour tout objet, le prix varie énormément : il existe des modèles accessibles, mais aussi des versions qui flirtent avec le luxe.
Pour un cercueil en bois, les premiers prix démarrent autour de 600 €. Certains modèles haut de gamme atteignent 7000 €, parfois plus selon les finitions et l’essence choisie.
Les cercueils en carton, plus récents sur le marché, s’affichent à partir de 370 €. Les versions personnalisables, avec motifs ou impressions spécifiques, peuvent grimper à 780 €.
Le commerce de la mort
Les écarts de prix peuvent dérouter. Ils alimentent l’idée d’un « business de la mort », d’une industrie qui profiterait de la douleur des familles. Pourtant, derrière chaque service funéraire, il y a des coûts réels : le porteur de cercueil, le thanatopracteur pour la préparation du corps, le médecin chargé de la déclaration, la chambre funéraire, les avis dans la presse. Chacun intervient pour garantir un accompagnement respectueux et professionnel.
Un cercueil, comme tout produit manufacturé, nécessite matières premières, main d’œuvre, logistique. Rien n’apparaît par magie dans l’atelier du fabricant.
Le secteur funéraire, lui non plus, n’échappe pas aux codes du marché. La demande façonne l’offre : il suffit de visiter le salon d’art funéraire, organisé tous les deux ans près de Paris, pour mesurer le dynamisme du secteur. Entre design épuré, inspiration art déco, matériaux innovants, le cercueil se réinvente sans cesse. De plus en plus de personnes choisissent leur modèle de leur vivant, histoire de soulager leurs proches ou d’exprimer une préférence, jusque dans le détail.
Pour celles et ceux qui hésitent, il est toujours possible de consigner ses souhaits, afin que l’allure ou la sobriété du cercueil ne soit pas laissée au hasard.
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Le cercueil, loin d’être un simple accessoire, révèle nos choix, nos valeurs, nos hésitations. Un objet banal en apparence, mais qui, au fond, raconte bien plus que la mort : il parle de nous, de notre rapport au temps et à la mémoire. Voilà peut-être la seule certitude à retenir une fois la boîte refermée.


